Car, quand on passe de l’autre côté, il est là, le constant maëlstrom télévisuel, prêt à vous disponibiliser les neurones, à vous liposucer le cerveau, à vous capturer comme un lapin dans les phares. Et moi, être phalène de téléviseur, c’est pas mon projet dans la vie. Le truc est un outil de travail (il y a des producteurs qui nous envoie des dvd plutôt que d’organiser des projections de presse) mais quand je mange, je tourne le dos au monstre[1].

Et voilà que le gamin veut son dessin animé ! Merde. À six heures et demie y a des dessins-animés ? Le dimanche ? Les programmateurs ne respectent décidément rien. Et ce alors même qu’on était dans une discussion vraiment intéressante !

– Nan, tu vois, Ulysse, franchement, c’est le meilleur. Mais le massacre des prétendants… C’est nul. C’est un héros. Le plus fin. Il se sort de tout par la ruse, l’astuce, l’intelligence… et à la fin il descend tout le monde comme une brute épaisse ! C’est quoi la morale ?
– Qu’est-ce que j’en sais, petite tête. Peut-être que l’idée c’est qu’en voyage, ou quand on est perdu, on est plus attentif, on se découvre des ressources… mais qu’une fois à la maison on se lâche. On pète, on rote, et on tire sur les gens qu’on n’a pas invité.
– C’est nul…

Cette façon de hocher la tête. Cette déception abyssale et entêtée. C’est quelqu’un ce môme.

– C’est peut-être aussi pour dire que les héros ça n’existe pas. Qu’on peut être absolument, totalement héroïque quand les circonstances nous y amènent. Mais que si les circonstances changent, notre brutalité peut aussi reprendre le dessus…
– Hé, tu peux mettre la 6 ?
– Uh ?
– La 6, c’est l’heure de Pop College.

Mais je m’en fous, moi, de Pop College ! J’étais sur le point de sortir mon dictionnaire de la mythologie, pour vérifier un truc sur Circé[2] ! Mais mon manque d’intérêt ne le refroidit pas. Il a chopé ma télécommande et mis ses personnages sautillants dans mon salon…

– Hé, baisse le son ! Tu vas réveiller Cunégonde, bougre d…

Il m’obéit, mais je vois à sa posture, à son être tendu vers la lucarne qu’il est perdu pour moi au moins pour la demi-heure qui vient…


Septième participation au sablier d’automne de Kozlika sur une amorce proposée aujourd’hui par Agaagla – sur la ligne de finish, la machine infernale m’ayant mangé hier soir mon premier début -_- –. À l’origine, le début était celui d’un excellent billet du Monolecte, Dualité.

Vous pouvez retrouver les débuts de notre narrateur plus haut dans la série sablier, précisément ici. C’est le cinquième épisode de ses aventures trépidantes ! Le sixième vous tend les bras.

Notes

[1] un des rares monstres – avec Méduse – qu’il est plus dangereux d’avoir devant que derrière soi

[2] y eut-il jamais sorcière plus sexy que Circé ?