Je ne sais pas combien de fois elle me l’a raconté sa guerre. Je sais encore bien moins pourquoi je ne l’ai pas enregistrée, pourquoi je n’ai pas écrit cette histoire avec elle. J’en ai rêvé, pourtant, de cette grande bringue qui faisait sauter des trains, tout en soutirant des infos aux soldats occupants par des sourires innocents. Avec une malice dans le regard qu’elle a toujours eu. Je crois bien qu’elle me manque, tiens.

Je me demande bien pourquoi c’est à elle que je pense, dans ce petit matin blême. Cunégonde ne va pas tarder à se lever. Castor[1] a faim, maintenant que sa ration d’images est digérée. J’ai pas de chocolat, évidemment (et puis je l’avais prévenu, il va pas me chercher des poux, maintenant) ; alors on va faire avec moyens du bord rutabagas du jardin corn flakes et petit suisse dessus.

Ça lui plaît bien, au gnome, le « petit déjeuner de grand ». En plus, c’est la fête : il me reste une orange pour lui faire un jus.

Et puis l’inévitable se produit. On entend cet indéfinissable couinement que produit inévitablement le premier bâillement matinal de la Cunégonde. Suivent ses pas dans le couloir. Dès qu’elle passe la porte de la cuisine, elle fonce sur le petit bonhomme, le respire, l’embrasse goulûment.

– Cunégonde ! Hi hi, tu me chatouilles !
– Cunégonde, arrête. Laisse-le, je te dis. Cunégonde couchée !

L’épagneule se retourne indignée ! Comment, lis-je dans ses yeux, on ne peut plus souhaiter la bienvenue aux visiteurs ? Je baisse d’un ton.

– Laisse-le respirer, quand même !
– Hé, M’sieur…
– Appelle-moi Gus, va…
– Gus, on va la promener ?


Déjà huitième participation au sablier de printemps de la fée Kozette avec une amorce proposée ce soir comme hier par Agaagla, prise chez Traou dans le billet Histoire du corps (tome 3)

Notre héros a commencé sa quête ici et la continue par là

Notes

[1] non, mais sérieux, les parents. Castor. Ils sont pas bien les gens… On peut aimer la mythologie, mais il y a des limites !