Tanaron, le blog

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mardi 13 décembre 2005

C’est à qui de faire la vaisselle ?

Je ne vous apprendrai sûrement pas, s’il vous est arrivé de faire une expérience communautaire quelconque, que rien n’est plus délicat (et même ingrat, ne nous voilons pas la face) que de répartir de manière équitable les servitudes ménagères.

De mon expérience personnelle, j’ai cru discerner, en gros, deux écoles :

  1. La « baba cool » qui parie sur la bonté intrinsèque de l’individu et son sens inné du devoir et de l’intérieur supérieur du groupe. Chacun va prendre sa part, car il sait que c’est l’intérêt de tous que chacun s’y mette de bonne volonté. Ça marche, donc, dans le cas où on on a affaire à des gens que l’expérience communautaire intéresse, fondamentalement. Dans un groupe constitué comme l’est le nôtre, la probabilité qu’un tel système fonctionne avoisine celui de croiser des petits hommes verts sur Mars, ou de m’entendre dire du bien du gouvernement actuel… Heureusement il nous reste la deuxième solution.
  2. La version « qu’esse tu crois, j’ai fait du scoutisme, moi », qui part du principe que la bonne volonté c’est cool, mais ça vient plus spontanément si on a un modèle de base. Donc un tableau des tâches à faire réparties entre les membres du groupe.

Ami lecteur, sauras-tu deviner vers quelle solution notre héros[1] s’est tourné ? Surtout en te rappelant les bonnes dispositions de certains de ses amis à l’égard des tâches ménagères ?

J’ai donc annoncé – le troisième soir, si je me rappelle bien – que j’allais rédiger un tableau qui répartirait équitablement le travail à faire. Je ne vous cacherai pas que j’ai été soulagé de constater que personne ne contestait le principe[2]. J’ai donc profité, deux jours plus tard, qu’une bonne partie du groupe était descendue en ville, pour me mettre à la mise en place du tableau, avec l’aide d’Elinor. J’ai établi six tâches quotidiennes : la vaisselle du matin (comprenant celle de la veille au soir), l’eau (nous avons désormais des jerricans avec des robinets, tout à fait pratiques), la cuisine du déjeûner, la vaisselle du midi, la cuisine du dîner et le bois pour les veillées.

Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de répartir six tâches entre neuf personnes, réparties par équipe de deux, en variant les binômes et en s’arrangeant pour que tout le monde ait la même « charge de travail » sur la semaine…

Hé bien avant que vous ne vous y colliez, je vous dirai[3] qu’il m’a fallu une petite heure et demie pour arriver à la conclusion que ça n’était pas possible, quelles que soient les lignes et les colonnes que l’on choisisse dans le tableau (nom, jour, tâche, je pense avoir essayé un peu dans tous les sens).

C’est donc pourquoi, la mort dans l’âme, il nous a fallu abandonner la « corvée de bois »[4], de façon à avoir quatre équipes de deux et une équipe de un chaque jour…

Et voici comment, une fois ce tableau affiché dans la cuisine, se déroulait une journée type.

Debout là-dedans

L’atelier théâtre est prévu à dix heures. Je mets mon téléphone-réveil à huit, pour préparer tranquillement ma séance. À cette heure-là, seuls Amar et Sylvie sont généralement debout. À partir de neuf heures, je sors la guitare de son étui, et m’en vais jouer, tous les 1/4 d’heures, quelques notes en annonçant l’heure et la nécessité de se lever. Elinor est la seule à m’avoir remercié de ce réveil-aubade, que j’ai dispensé pendant une bonne partie du séjour. Si j’arrive à avoir tout le monde debout à dix heures, c’est déjà pas mal. Et debout ne signifie pas prêt à se mettre au boulot :-/  ! Chacun prend alors connaissance de sa tâche du jour, et les « eau » et « vaisselle matin » peuvent s’y mettre.

Atelier

J’ai réussi à maintenir des séances de deux heures – chaque fois que j’ai effectivement pu faire une séance. Vu le décalage horaire au démarrage de la séance, on termine rarement avant treize heures.

Mangeaille

Niveau gastronomique trrrrrrèèèès variable suivant qui est aux fourneaux.

Sieste

Dans le temps qui précède le chantier de l’après-midi, on a plusieurs options : une petite sieste, une descente en ville avec Amar[5], vaisselle si c’est ton tour, ou encore une petite tête dans la piscine[6]

Chantier de l’après-midi

Que nous retrouverons dès le prochain billet ;-)

Soirée

Les « hallal »[7], malgré la nuit tombante, affrontent généralement la douche… Quant à moi, j’avoue sans gloire avoir fait le crasseux plus souvent qu’à mon tour – je n’ai jamais non plus dégagé des remugles pénibles dans le dortoir, hein, y avait la piscine quand même (hum !)

Repas – voir midi… et parfois, après-dînée vidéo au village.

Dodo

Pas toujours la partie la plus facile, certains prolongent la soirée plus que d’autres, ne peuvent s’abstenir de parler fort quand les autres voudraient dormir… Il y a eu des soirs (heureusement rares) vraiment pénibles, dont un où j’ai perdu mon sang-froid, au bout d’au moins une demi-heure de beuglements qui m’avaient tiré d’un sommeil nécessaire, et où je suis mis à hurler que « TA GUEULE, JE DORS !!!! »

Tiens d’ailleurs, je vais y aller, là, je crois ^^

Notes

[1] pitain, c’est pas bon pour ma modestie, le blogging

[2] ouééé, je ne suis pas totalement hors du coup, en matière de pédagogie

[3] et je n’apprendrai sans doute rien aux mathématiciens qui nous lisent

[4] qui finalement n’était peut-être arrivée là qu’en raison de ma nostalgie éclaireuse – et qui par surcroît, ne nous leurrons pas, sonne un peu sinistre, tout de même…

[5] quant à moi, je suis bien sur mon rocher, et je n’éprouve réellement aucun besoin de descendre

[6] ah, oui, il faut que je fasse un billet sur la piscine, aussi

[7] Aline comprise

dimanche 4 décembre 2005

La ouature de M’sieur Amar

Notre causerie du jour portera sur l’intendance – et plus précisément sur les voyages à Digne, indispensables, notamment le ravitaillement.

Je ne crois pas vous avoir encore dit qu’Elinor était venue dans la voiture d’Amar – avec Sylvie bien sûr.

Lorsque, jusqu’à présent, il a été question de déplacements en ville, il n’était question que des voitures de Michel ou Marie… car la vérité c’est qu’il est arrivé à Amar UN MALHEUR[1]. Nous allons donc remonter le temps de quelques jours jusqu’au

Lendemain de l’arrivée d’Amar à Tanaron

Je ne sais pas si vous avez déjà assisté à un orage[2] dans le riant pays dont il est ici question. Mais c’est le genre d’occasion où on se rappelle tout soudain que ce n’est pas juste le midi, mais aussi la montagne. Je n’ai pas eu, personnellement, l’occasion d’assister à ce genre de phénomène, mais, de ce que j’en sais, la foudre frappe avec insistance sur le rocher, qui fait un paratonnerre naturel aussi efficace qu’impressionnant, et, naturellement, l’eau se déverse avec un enthousiasme qui fait plaisir à voir tant qu’on n’est pas dessous et dévale tout ce qui est dévalable à commencer par la piste.

Une piste, comme son nom l’indique, non goudronnée. Susceptible par conséquent de se transformer en torrent de boue si l’eau n’en est pas promptement évacuée[3].

Amar n’est pas homme à se laisser impressionner : il s’est lancé dans la descente de la pente pour rejoindre la civilisation[4]. Mais ce n’est qu’une fois sur la route, dans la vallée, que les choses se sont compliquées.

Je ne sais pas si le panneau

vous plonge comme moi dans des abysses de perplexité. Parce que moi, je veux bien faire attention, mais quand le caillou il me tombe sur la pomme, je vois pas ce que je peux faire :-/ … Hé bien, grâce à Amar, j’ai compris à quoi il servait ce panneau ! Il faut faire attention parce que des fois les pierres elles sont DÉJÀ sur la route. Et là, donc, la route il l’a trouvé repavée de frais avec des pans de muraille tout juste décrochés. Il a pu zigzaguer entre un moment, mais il a fini par trouver un barrage bien franc qu’il a essayé de franchir mais là, paf, le pneu.

Il ne se laisse pas démonter pour autant, quand même : roue de secours et à nous la grande ville. Il remonte à Tanaron, une fois ses clopes en poche (je ne sais pas pour quel motif il avait dû descendre, mais je suis sûr qu’il aura acheté des cibiches, car ainsi sont les drogués), et en pleine piste… repaf ! Car eu égard aux risques d’écoulement et de déformations diverses d’une piste qui ne serait qu’en terre, la nôtre est pleine de cailloux, qui, tout comme les gouttières, pour être indispensables, n’en comportent pas moins des inconvénients, notamment le fait d’être assez peu tire-friendly[5].

Amar est finalement resté sans voiture pour cause de roue en berne pendant une bonne semaine, et jusqu’à mon quatrième jour de présence je n’ai donc pas vu rouler son véhicule.

Mais après il s’est rattrappé

Descendant parfois juste pour le réapprovisionnement clope du groupe[6], il a fait des aller-retours quasi-quotidiens pendant une bonne partie du séjour, ce qui a d’ailleurs fini par poser des problèmes, car ça le mettait (et avec lui ceux qu’il avait éventuellement emmenés) régulièrement en retard pour le démarrage du chantier l’après-midi.

Michel a dû remettre les pendules à l’heure sur les circulations en ville…

Cette anecdote pour rappeler aux ingénus idéalistes qui me font l’amitié de me suivre que, quand on forme un groupe de ce type, RIEN ne peut être considéré comme simple. Que ceux qui envisagent déjà de nous rejoindre là-haut se le tiennent pour dit :-P !

Notes

[1] merci de mettre la musique de Psychose à fond avant de lire la suite

[2] un vrai, hein, pas un coup de tonnerre lointain

[3] c’est pourquoi, à intervalle irrégulier, des gouttières sont disposées en travers qui, pour être indispensables, ne sont pas forcément exclusivement pratiques, mais j’aurai sûrement l’occasion d’y revenir

[4] je pense que l’orage avait dû s’arrêter avant quand même

[5] potes avec les pneus, pour faire moins hype et plus français

[6] mais généralement plus, soyons honnête

samedi 3 décembre 2005

Le qwestionnaire à Washi

Des fois les copains ils s’amusent comme ça à vous faire des blagues. Comme ma chouette copine Washi qui m’a refilé mon premier questionnaire de blog, qu’elle a inventé elle-même et intitulé sobrement : le questionnaire des cinq sens. Du coup, et pour la première fois, je fais un chapeau, que les gens qui veulent connaître mes réponses devront cliquer pour avoir la suite (déjà que les billets in-sujet sont trop longs, à ce qu’on me souffle dans l’oreillette, je ne vais pas rallonger avec des trucs rin nawar, n’est-il pas ?)

Lire la suite...

mardi 29 novembre 2005

Et le cinéma dans tout ça ?

Il ne vous a pas échappé qu’il était question de préparer un film – et jusqu’à présent vous n’en avez pas vu l’ombre[1]. Il s’agira, rappelons-le de l’adaptation d’un roman[2].

Et vous vous demandez ardemment quand (et comment) le cinéma va apparaître dans le machin. Ma modestie dût-elle en souffrir[3], j’ai une grosse responsabilité dans cette « dimension » de l’été. Au départ, nous étions trois dans l’équipe à avoir quelque chose à voir avec le spectacle. Elinor, qui vient d’obtenir brillamment son bac littéraire avec option cinéma, Sylvie, qui a fait du théâtre et moi, comédien, auteur, licencié ès cinéma et audiovisuel et responsable d’ateliers théâtre depuis plus de dix ans.

Elinor devait travailler sur le manuscrit en vue de préparer le scénario, Sylvie travailler avec les futurs acteurs sur les dialogues d’Elinor… mais le flou sur la portée exacte dudit scénar’ a suffisamment retardé l’écriture pour que les ateliers de Sylvie ne puissent finalement pas avoir lieu. Du coup, et je renfonce le clou, ce sont mes ateliers d’initiation qui nous ont le plus rapproché de la dimension cinématographique.

Le lendemain de l’ouverture du chantier, nous étions au village le matin pour travailler, et l’après-midi, Amar est descendu en ville avec les jeunes. C’est donc le matin suivant que nous avons démarré

Le premier atelier théâtre[4]

Comme je suis habitué à travailler en salle[5], nous nous installons pour la séance dans la « place du feu ». Devant vos yeux ébaubis, je m’en vais reconstituer cette séance, dont me restent les notes de préparation, soit le déroulement initialement prévu…

1°) Regardez-moi là, et dites moi, comme ça pour voir, ce que VOUS entendez par « jouer la comédie »

Question habituelle de première séance d’atelier (avec des variantes selon les contextes)… Habituellement, les participants aux ateliers, qui ont choisi de faire du théâtre se retrouvent un peu gênés aux entournures, mais des gens qui ne conçoivent pas clairement comédien comme un métier s’y trouvent facilement pris au piège et ont tendance à se raccrocher à ce qu’a dit le voisin. L’utilité, pour moi, c’est de me faire une idée du point de départ d’un atelier : j’en déduis (en partie) les attentes et présupposés des participants, et ça influence l’orientation que je peux donner à la suite des ateliers. Ça me permet aussi, ce jour-là, de faire mon pédant avec une définition un peu sophistiquée et de préciser deux-trois points importants quant au fonctionnement de mes ateliers : d’abord, il va falloir qu’ils s’habituent au fait que je suis bavard, et que j’aime à être précis quand je parle, ce qui peut m’amener à utiliser des mots qu’on-se-demande-bien-d’où-ils-sortent[6] – auquel cas il ne faut d’ailleurs pas hésiter à m’interrompre et à me faire expliquer en français.

On peut ensuite passer aux « exercices » à proprement parler.

2°) Les marches

Ou de l’atelier théâtre comme substitut de randonnée.

a) Marche bonjour

On marche, on accélère plusieurs fois, et quand tout le monde est à bonne vitesse, on stoppe d’un coup et on se tourne vers la personne la plus proche de soi pour lui dire : « Bonjour », avec une inflexion différente à chaque arrêt. On passe donc cette fois par : normal, endormi, hautain, obséquieux, timide, menaçant, grave et, à garder pour la fin, hilare.

Le plus difficile sur ce type d’exercice est d’obtenir que les jeunes gardent leur sérieux. Ça permet bien sûr, à la première séance de se faire une première idée sur le « l’instinct d’acteur » des participants – ou leur pratique antérieure.

b) Marche aveugle

Exercice de confiance. J’ai prévu d’avoir dans chaque atelier au moins un exercice de ce type[7]. Nous ne nous connaissons pas, nous appartenons à des univers différents, mais nous sommes embarqués dans un projet commun, dans lequel il est indispensable que nous puissions nous reposer les uns sur les autres.

Comme le titre l’indique on est deux par deux, dont un qui doit garder les yeux fermés et marcher. Celui qui l’accompagne n’a pour contact qu’une main sur l’épaule et pour consigne de se contenter de veiller à ce que rien n’arrive à l’aveugle. Il peut l’orienter vers des objets ou endroits qu’il pense intéressants. Le tout doit se faire dans le silence le plus complet[8]. L’idée est aussi d’avoir une autre perception de l’espace, sans la vue.

Là où on rentre dans la confiance vraiment aveugle c’est quand on arrête tout le monde, que les aveugles gardent les yeux fermés et que les guides changent d’aveugle. Si la règle du silence est respectée – et si le groupe est suffisamment nombreux – on ne sait plus qui nous guide. Il faut reconnaître qu’avec le petit groupe que nous avions[9], il était très probable que les guides soient reconnus… Là encore, difficile de faire observer la règle du silence : des rires nerveux s’échappent, mais ça se passe quand même assez bien.

3°) Voix / diction

De la bonne grosse technique moulée à la louche. On se met en cercle et on apprend à respirer et à parler, après avoir appris à marcher. Finalement, apprendre à jouer c’est tout réapprendre :-D !

a) Respiration

Respiration abdominale en quatre temps : inspiration – blocage – expiration bruyante – blocage. On en fait une petite série, à l’unisson. Ça demande un peu de concentration (ne pas éclater de rire au milieu) mais rien de remarquable à part ça.

b) Voix

Là encore tous ensemble : on inspire, on ouvre la bouche et on dit AAAAAaaaa le plus fort et le plus longtemps possible. Pas plus remarquable que le précédent, ça permet une petite explication de la voix comme instrument à vent.

C’est bien de faire ça tous ensemble au début, mais c’est le genre de trucs sur lesquels il faut revenir de façon individuelle dans les séances à venir.

c) Diction : Mon ptérodactyle est mort d’un infarctus

Plus rigolo et cette fois de façon individuelle, prononcer la phrase susdite haut et fort, en surarticulant (autant dire en grimaçant sans avoir peur du ridicule). Vous remarquerez au passage l’élégant raclage de gorge façon pré-mollard nécessaire pour le « arct » d’infarctus… Pour l’origine de cette phrase, je vous renvoie ici.

4°) Impro chapeau

On forme deux groupes, chaque groupe tire un papier dans mon chapeau… Sur le papier un mot bizarre et probablement inventé par mes soins. Seront tirés « Hélipinge » et « Crantebrouque ». Ils ont dix minutes pour décider d’une définition du mot et l’illustrer par une petite histoire qu’ils nous présenteront ensuite.

a) Crantebrouque

Pour l’équipe Aline, Fouzi, Sylvie, Elinor, un Crantebrouque est un gâteau d’anniversaire. Fouzi ne peut s’empêcher de commenter ce qui se passe par des petits sourires aux copains. Leur intrigue est un peu compliquée, et certains détails de leur histoire nous échappent. C’est l’anniversaire de Fouzi. Sylvie a préparé le gâteau. Il s’agit d’une part de crantebrouque, donc, que Sylvie, par jalousie, a empoisonnée à l’intention d’Aline. Mais celle-ci n’aime pas le crantebrouque, et Elinor prend sa part et finit par se tordre de douleur au sol, Sylvie appelant une ambulance. La partie poison n’était pas du tout clair, même si Sylvie insistait pour qu’Aline prenne la part qu’elle lui avait destinée, on en déduisait qu’elle était maniaque. Il nous manquait un aparte pour comprendre ce qui se passait réellement.

b) Hélipinge

L’équipe Yasin, Murat, Amar, Boris, Cliff a fait de l’hélipinge une voiture. Yasin interprète un client mécontent de son hélipinge achetée peu de temps auparavant, et déjà en réparation. Murat tente de s’en débarasser, quand Boris vient en tant que client et que Yasin commence à le décourager d’acheter ici. On fait venir le mécano, Amar, qui décrit la panne et on finit par lui proposer de lui prêter un autre véhicule – mais il exige d’en avoir un de même gamme que son hélipinge inutilisable[10]. Il n’y a ici aucune « scène manquante » comme dans l’impro précédente, mais c’est un peu redondant au bout d’un moment et ça peine à finir. Mais Yasin, qui depuis le début de son séjour râle à qui mieux mieux et à propos d’à peu près tout, se révèle extrèmement convainquant dans un rôle de râleur où il semble beaucoup s’amuser – apparaît alors évidente une capacité à l’autodérision que je ne lui aurais pas soupçonnée.

Et c’est la fin de la première séance. Pour la prochaine fois, sur un cahier propre, dix lignes de bling, dix lignes de blang[11]

C’est aussi la dernière fois que j’anime une séance dans la salle du feu : la poussière soulevée est pénibles, il est difficile de faire des exercices au sol et le cadre n’est pas agréable pour ce type de choses. Je trouverai ensuite un bosquet de chênes en terrasses où nous ferons les séances suivantes – sauf une que nous devrons terminer à l’intérieur de la salle pour cause de pluie.

C’est à la fin d’un billet comme ça qu’on se demande si, vraiment, « plus c’est long, plus c’est bon » ^^ .

Comme ça vous avez une idée du déroulement d’un atelier animé par mes soins, et je pourrais parler (de façon moins détaillée, promis) de ce que nous y avons fait d’intéressant.

Notes

[1] si ça peut vous rassurer, c’est pareil pour moi sur place

[2] signé Vassilissa Victor – dont je n’ai pas parlé pour la bonne raison que je ne l’ai pas rencontrée. Il s’agit d’une trilogie – mais on ignore encore si la troisième partie sera dans le film – dont le premier tome, Des ruines sous la neige, paraîtra bientôt.

[3] qui a dit « y a pas de risques » ?

[4] si Yasin, Fouzi et Aline semblent attendre ce démarrage sans appréhension excessive, Murat m’a bombardé de question la veille au soir sur ce que nous allions faire exactement. Outre le fait que je n’ai pas encore préparé de façon précise ma séance, je ne vois pas l’intérêt de décrire à l’avance ce qu’on va faire. Je finis par lui répondre : « L’intérêt de ce genre de chose, c’est aussi la réaction spontanée à ce qui demandé »… Non mais sans blagues !

[5] ce qui est sans doute plus simple que sur un terrain accidenté et envahi par la broussaille

[6] ceci dit, ils se sont aperçus assez vite que je ne causais pas le djeun’s aussi bien qu’Amar

[7] il me semble d’ailleurs que Marie et Michel me l’ont explicitement demandé

[8] même si les rires sont inévitables

[9] dix en tout, avec moi, si je me rappelle bien, Boris ayant ramené à la Bergerie son copain Cliff

[10] vous avez remarqué que je n’ai pas distribué Cliff, mais je n'arrive pas à être certain de sa présence ce jour-là

[11] chacun ses classiques ;-)

mardi 22 novembre 2005

Début de chantier

Le temps de me remettre de mes émotions suite à deux billets publiés ici et – sans parler des derniers commentaires de nouveaux visiteurs et je reviens à notre été dernier.

Car oui, notre jour de repos s’est achevé et il ne va pas plus être temps de se croire en vacances car cette fois c’est la bonne, nous sommes au moment crucial où nous les nouveaux allons devoir nous mettre au boulot (puisque les premiers arrivés, eux, ont déjà dans les pattes la « mise en service » de la Bergerie).

Bon, d’accord, on n’y est pas à proprement parler à l’aurore. La veille au soir, il y avait malgré la fatigue une certaine excitation chez nos jeunes amis, et ils ont eu du mal à s’endormir[1]. Et puis Michel ne conçoit pas de nous faire bosser « à la chaude » (et je ne peux que souscrire).

Donc, une bonne partie de la journée s’écoule, on aurait pu dire paisiblement si les premières vraies tensions n’en avaient profité pour s’immiscer. Lorsqu’on explique, en tentant d’être didactique et diplomate, que les tâches ménagères devront être partagées équitablement entre tous les membres de l’équipe, Murat est submergé par une bouffée de machisme : « On va pas faire un boulot de femmes » !

Elinor est mal fichue depuis un jour ou deux, et elle explose. L’altercation est brêve, mais il va falloir trouver une solution rapidement : on est a priori partis pour vivre ensemble pendant trois semaines, et on ne tiendra pas sans que tout le monde fasse des efforts. Pour l’instant, Elinor bat en retraite. Elle n’est pas ordinairement d’un tempérament explosif, mais elle se rend compte qu’elle n’est pas en état de faire face à son mal de bide ET à des désaccords de fond. Elle se rapatrie chez Michel, où elle restera convalescente pendant deux jours.

Enfin, aux environs de 16 heures, on rassemble tout le monde et…

on attaque !

Michel a pensé faire deux équipes : une équipe « déblayage » sur l’église[2], et une autre « débroussaillage » dans le cimetière[3]. Mais Aline découvre à côté de la porte[4], là où le chemin d’accès au cimetière commence, un bout de pierre qui affleure sous la motte de terre, suggérant un escalier enfoui, et se propose de déterrer les marches de pierre. Sylvie la rejoint et ce sont donc trois chantiers qui démarrent :

  • les filles aux marches,
  • Fouzi, Murat et Yasin au terrassement,
  • Amar, Boris, Michel et moi dans le cimetière[5]

Ce qui fait le plus cimetière, c’est encore la porte. En fer. Qui grince sinistrement. Pour le reste, nous avons affaire, donc, à un fouillis d’apparence parfaitement inextricable sur un terrain en forte pente. Boris et son père manipulent les machines et Amar et moi évacuons, à la fourche, la végétation vaincue. Michel y mettra le feu cet hiver – quand il ne risquera pas de provoquer un incendie.

Il faut reconnaître une chose à ce type d’activité : ce n’est pas reposant, mais extrèmement gratifiant. On VOIT immédiatement le résultat. Apparaissent ainsi peu à peu des restes de pierres tombales. On m’a fait remarquer que, sur la photo, le cimetière paraissait bien vide. C’est vrai. Il convient ici de se rappeler que ce cimetière a été à l’abandon pendant plusieurs dizaines d’années. Que les pierres tombales sont un luxe que peu de ces paysans isolés pouvaient s’offrir. Il est probable que les familles modestes de Tanaron n’avaient que de simples croix en bois sur leurs tombes – et celles-ci n’ont pas « survécu ». Chaque nom – ou quasiment – évoque à Michel et Marie des descendant, qu’ils ont rencontré il ya quarante ans ou depuis lors…

Nous aurons, si je me rappelle bien, trois jours de travail dans le cimetière avant de venir à bout de l’invasion végétale. Le lendemain il a plu. Le jour d’après un tapis de colchiques a éclos dans le cimetière. Michel dira : « Les morts nous remercient ».

Et ça me paraît pas mal pour finir le billet du jour ;-)

Notes

[1] et nous aussi, grâce à eux, grmbl…

[2] un des murs s’est partiellement écroulé sur le sentier qui arrive au village

[3] lequel est totalement envahi par une végétation aussi dense qu’épineuse – je découvre notamment ces belles saloperies que sont l’églantier et le prunellier

[4] fièrement debout malgré la défection presque unanime des murs

[5] avec les outils à moteur : débrousailleuse et tronçonneuse – et il faut bien ça !

dimanche 20 novembre 2005

Mais Tanaron ça ressemble à quoi, en vrai ?

C’est vrai, vous me lisez depuis quelques billets mais ce bled improbable dont je vous rebats les oreilles, à part Ceskal ou Titi, vous vous demandez peut-être, et même de façon légitime, si ça existe en vrai, au-delà du réseau, et si je ne vous mène pas en bateau sur ma montagne[1].

Hé bien, votre patience va pouvoir être récompensée, car voici, pour la première fois sur ce joueb une photo du village vu du rocher qui le domine[2] :

Tanaron vu du rocher

On y distingue notamment :

  • la maison de Madame Endignoux, la dernière habitée en 1948, mais où personne ne vit en ce moment ;
  • la maison de Michel ;
  • l’église et le cimetière, dont je vous parlerai très bientôt ;
  • l’autre maison de Michel, en construction (toujours de ses petites mains travailleuses – mais de celà aussi nous reparlerons) ;
  • l’arrivée de la piste au village ;
  • en contrebas, la vallée du Besse.

En cliquant sur l’image, vous afficherez une grande version légendée de cette image que j’aurais voulu plus belle (oui, c’est vrai, je ne suis pas un photographe exceptionnel). Par ailleurs, il n’aura pas échappé à votre sagacité que la photo n’a pas été prise l’été dernier : ce que vous voyez ce sont les couleurs d’automne, puisque j’ai pris cette photo lorsque je suis retourné là-haut, en octobre. J’aurai d’ailleurs l’occasion de revenir sur ce qui a changé entre mon arrivée à Tanaron et la prise de cette image…

Faites de beaux rêves, vertueux amis virtuels ;-) .

Notes

[1] formule osée, je vous l’accorde, mais je ne serais pas le premier Noé à poser un bateau sur une montagne :-P

[2] connu sous le nom de la Tour ou de rocher Gassendi – un nom dont ce n’est pas la dernière apparition par ici

vendredi 18 novembre 2005

Mais comment que ça se fait-il que les gens ils sont plus là ?

Donc, maintenant, le décor est planté. Nous savons à peu près qui est là – et le « sociogramme » demandé s’est dessiné.

Ça me paraît donc le bon moment pour prendre un peu de recul, quitter l’été dernier pour un petit tour d’horizon de ce que je sais sur le passé local.

Aujourd’hui : la première moitié du 20e siècle[1]

Au tournant du siècle déjà dernier[2], Tanaron est très raisonnablement peuplé. Il y a, sur l’ensemble de la Commune, environ 250 habitants – dont 150 dans le village même, une école dans la mairie. L’endroit est réputé alentour pour ses fêtes. On y vient à pied depuis la vallée. Tout laisse donc à penser qu’on y vit bien.

Si j’ai bien tout suivi, c’est en 1906 que de terribles orages entraînent une partie conséquentes des récoltes – et probablement des terres arables – le long des pentes, et provoquent des modifications de l’hydrographie souterraine. Le premier point d’eau se trouve désormais à 700 mètres de l’entrée du village, en contrebas. Autant dire que le confort de vie des habitants s’en ressent. Des familles commencent à partir.

Puis vient la Grande Conne Guerre. Les enfants de la montagne découvrent une France de champs de batailles et de tranchée. Deux y restent, comme l’atteste le monument aux morts. Mais surtout, ils rencontrent d’autres jeunes gens qui n’ont jamais connu les rigueurs de la campagne, mais la prometteuse industrie des villes. Où l’on vit tellement mieux, se convaincront-ils. Et le village perdra encore une partie de sa jeunesse.

Vers 1930, l’école de Tanaron ferme… Le village est désormais condamné. Après la Seconde Guerre Mondiale, il ne reste plus là-haut qu’une habitante, Madame Endignoux, qui refusera d’abandonner la maison – toujours debout aujourd’hui – du bout du village, d’où elle domine toute la vallée du Besse. Ses enfants la convaincront de passer l’hiver chez eux, à Marseille. Un hiver 1948, elle descend pour ne plus jamais remonter.

Tanaron est mort. Un village-fantôme perdu dans la montagne. Les maisons se délitent peu à peu, les toits prennent l’eau, puis s’effondrent, et enfin les murs lâchent…

Oui, je sais, ce n’est pas une note gaie, mais ça « nourrit » inévitablement tout ce qui, aujourd’hui, peut se passer là-haut.

Notes

[1] et hop, cinquante ans en une note, par un historien parfaitement décertifié

[2] va falloir s'y faire

mardi 15 novembre 2005

Quartier libre

Amar parle le djeuns’ couramment – même si sans doute une version âgée de quelques années. Il explique à nos Turcs que Michel a entièrement bâti sa maison en partant littéralement d’un tas de cailloux et d’un reste de murs s’élevant peut-être à cinquante centimètres. La maison de pierre, que Michel m’a fait visiter hier, comporte trois niveaux. L’escalier qui monte au premier étage est constitué de traverses de chemin de fer, et il n’y a pratiquement pas deux fenêtres identiques : récup’, bon sens, talent. Et il sculpte, encore – avec entre autres des tiges de fer à béton. Maire de Tanaron… sachem de Tanaron, oui !

Grâce au descriptif du projet, j’ai pour la première fois des éléments précis sur ce que Marie attend de chacun, et j’ai donc une piste sur c’est quoi c’est que j’fous là. Mon rôle sera de préparer les jeunes à jouer dans le film. Une « formation accélérée » en séances quotidiennes (deux heures minimum, le chantier occupera maximum trois heures par jour)…

Le chantier ?

J’interromps à nouveau ces notes de l’été, car je ne crois pas vous avoir parlé du chantier[1]. Avant de tourner, il est en effet prévu de relancer les travaux initiés quarante ans plus tôt par les gamins d’alors. Et si nous avons tous été appelés autour d’un projet « cinéma », celui-ci a en fait été lancé plus tôt que prévu. Était initialement prévu pour cet été un chantier de nettoyage, car, en quarante ans, de peu glorieux vestiges de notre société du gaspillage de consommation ont envahi le village[2]. Vous n’avez pas fini d’entendre parler du chantier, t’manière, vu qu’on en est plutôt fiers – mais n’anticipons pas. Retour donc aux notes prises sur place[3].

La cuisine, c'est facile !

On se met mollement en route pour la bergerie, après le retour de l’équipe courses. À table à… 17 heures, avec une salade de riz de la veille. On découvre que nos musulmans mangent Hallal. On avait prévu d’éviter le porc, mais du coup on se retrouve avec des stocks d’aliments carnés qu’on ne va pas pouvoir se partager, dont d’ineptes tranches de « jambon de dinde ». Et rien ne dit que ce sera facile de trouver des viandes Hallal à Digne – qui n’est pas la plus grande ville de ce département désert.

Quartier libre, c’est bien gentil, mais Murat et Yasin ne sont pas vraiment inspirés par cet endroit, « vide » dans leurs yeux urbains. Ils ont besoin d’oxyde de carbone. Marie ne prêtant pas sa voiture, ils décident de descendre à Digne à pied. On les remontera ce soir, les autres arrivant à 22 heures. Douze bornes à pied, sous un soleil d’août. M’est avis qu’ils ne se précipiteront pas pour recommencer. Ils ne mangeront pas avec nous ce soir, qu’ils aient ou non dîné en ville. Michel et Marie prévoient d’accueillir les nouveaux au village, juste avec les copains, pour atténuer le « choc culturel » et permettre une immersion par palliers. Après le repas, on se fait un feu de bois. Et on les attend pour faire une veillée d’enfer ! Mais Fouzi et Aline[4] sont fatigués et entendent préparer leur coucher. Les jeunes, désormais plus en force, puisqu’à quatre, sont d’humeur plus folâtre et Murat m’interpelle à tout bout de champ : « Wesh Noé ! » Ça va devenir son cri de guerre pour les deux jours à venir.

Ici s’arrêtent mes notes « au jour le jour » de l'été. La suite sera donc reconstituée de mémoire, ce qui s’annonce plus riche encore en approximations, mais enrichi par le recul acquis en quelques mois…

À bientôt, donc, pour la suite de mes palpitantes aventures tanaronaises ;-).

Notes

[1] en même temps, il me semble utile de préciser de que, jusqu’à ce matin, c’était assez flou, même pour moi.

[2] il va être inévitable, je le sens, d’ouvrir une rubrique politique sul’ joueb…

[3] note pour plus tard : t’as passé trente ans, boudiou, il serait peut-être temps d’apprendre à écrire lisiblement !

[4] hé oui, vous avez bien compté, il en manque encore un par rapport à ce qui nous était annoncé – et ça nous fait un couple de plus dans le dortoir

samedi 12 novembre 2005

Premier soir, premier matin

Marie-de-Franz a préparé du riz, cependant que Michel tapait le bœuf sur sa guitare de gaucher[1] avec Franz à la flûte traversière traditionnelle[2]. Je décline l’invitation à me joindre à eux. Je maîtrise en effet péniblement trois morceaux qui se courent après, et ne me suis jamais senti les épaules pour tenter l’impro…

Mais prenons quelques instants pour resituer le contexte

On m’a fait remarquer, à propos du précédent billet et à juste titre, que mes compagnons d’aventure étaient un chouille difficile à situer les uns par rapport aux autres. Si, je pense, tout le monde a assimilé que Franz et Marie forment un couple, vous ignorez encore que je ne vous en parlerai plus très longtemps car ils partent demain matin – de la sorte, il ne nous restera plus qu’une Marie et ça allègera substantiellement, niveau périphrase-pour-rappeler-de-laquelle-on-cause. 

Il y a deux autres couples à Tanaron, pour l’instant : Amar et Sylvie, les aînés de la Bergerie (hééé oui, plus âgés que moi[3], même, t’as qu’à voir !) et Michel et Marie (même si cette dernière n’est pas encore parmi nous[4]).

Enfin, il y a les « enfants » : Elinor, la petite dernière de Marie, qui va sur ses dix-neuf ans, et Boris, le fils de Michel, un gars bien bâti de quinze ans, de mère Caraïbes.

Je prévois, par la suite de faire des portraits plus détaillés (avec éventuellement photos) de chacun des personnages…

Mais revenons à notre soirée

Michel s’est coiffé et rasé pour l’arrivée de sa dulcinée, il a envoyé Amar et Boris cueillir de jolis chardons pour décorer la table pour son arrivée, tout est prêt !

Et Marie fait son entrée, avec deux garçons (le troisième ne s’est pas pointé au rendez-vous), Murat (prononcer Mourate, voire Mourad) et Yasin (Yacine). Elle nous annonce l’arrivée de trois camarades à eux pour le lendemain. Et voici deux jeunes urbains, la petite vingtaine, poussés dans la banlieue dieppoise, qui arrivent, au terme d’une invraisemblable piste gravie dans l’obscurité, après une bonne douzaine d’heures de route, au milieu d’une pure atmosphère hippie, dans une salle à manger improbable et néo-tribale. Autrement dépaysant que le bled, en Turquie !

Ils n’ont pas fini d’halluciner quand ils pénètrent dans le dortoir. Murat préfère s’amuser de l’inconfort, tandis que Yacin proteste avec énergie. Mais ils sont tous les deux d’accord sur la définition de l’atmosphère générale : c’est Koh-Lanta.

Comme un gros malin que je suis, je n’ai pas de duvet. Michel me prête une couverture synthétique et un couvre-lit qui feront, ma foi, tout à fait l’affaire. Au fond du dortoir où je me trouve, une partie du mur manque, vaguement fermée par des couvertures – je devrai dormir très habillé certaines nuits.

Puis, ce fut le matin

Je découvre la vallée dans la lumière du matin. Boudiou que c’est beau ! Je me dis que Murat et Yasin ont finalement de la chance de découvrir ça dans cette lumière. Je commence à comprendre ces minots d’il y a quarante ans qui sont tombés amoureux de ce village du bout du monde. Il y a dans cet endroit une émotion esthétique qui vous ferait douter de la non-existence de Dieu et me réconcilierait presque avec Regain de Giono, et ses fioritures qui me hérissaient le poil en Seconde.

Nous montons au village avec Sylvie et Amar. Les jeunes ont eu du mal à s’endormir, et après les 1000 kilomètres de route, il ne sont pas réveillés. Elinor est aux courses avec Michel. Marie et Franz sont partis pour Barcelone.

Nous, on a faim.

Marie nous accueille au village, on se fait un café. Amar et Sylvie semblent n’avoir jamais vu de cafetière italienne. Ça fait tellement partie de mes objets usuels[5] que je m’en étonne discrètement. Marie me fait rire. Elle parle un peu comme ma tante Monique… D’un coup, je me demande si Monique n’est pas justement de Dieppe… Et puis surtout, elle sourit Marie. Un sourire plein de dents et de bonheur. Elle est plausible en « chef de projet ». Elle croit à ses p’tits gars. Ils ne se laisseront pas décourager. Elle nous lit le descriptif détaillé du projet. Aujourd’hui, nous annonce-t-elle, c’est quartier libre. Les jeunes nous rejoignent. La matinée s'écoule tranquille.

Notes

[1] À part pour la guitare, Michel est droitier.

[2] En bois, sans clés.

[3] Antédiluvien par essence, faut-il le rappeler ^^

[4] Tiens, oui, d’ailleurs, kesséfou ? Elle devrait déjà être là, on commence à avoir faim.

[5] Ma mère en possède une impressionnante collection.

samedi 5 novembre 2005

Arrivée à Tanaron

Pour y aller, donc, et ainsi que je l’ai laissé entendre il faut, essentiellement, ce que notre époque cybernétique ne connaît plus : du temps.

Partant de Lyon (oui, je n’étais pas resté sur place depuis le coup de fil, mais pas rentré chez moi non plus…), comptez plus de cinq heures en passant par Veynes-Dévoluy puis bus… car la gare SNCF de Digne est desservie exclusivement par la route (et ce, déjà il y a quarante ans).

Ensuite seulement vous ressentirez l’extase de :

L’arrivée à Digne gare[1]

(j’avais même le choix entre SNCF et routière, mais j’arrivais avec un billet de train, que diantre !).

Michel m’attend à la sortie du bus. Ni lui ni moi n’avons la moindre idée de qui nous allons trouver. En même temps, je suis le seul à descendre. Avec mon air improbable et ma guitare sur le dos. Le Monsieur m’annonce que nous allons retrouver Marie et Franz à la « Dalle aux ammonites », une dalle où se trouve la plus grande concentration de ces crustacés fossiles connue (en France ? en Europe ? dans le monde ?… me rappelle plus :-/ ).

Il me véhicule dans une antique Škoda (république tchèque en force !). Il est tout mal rasé, les cheveux en bataille et les yeux pleins du soleil de sa montagne[2]. Marie et Franz ont un look baba cool qui m’amène à penser que je dois presque avoir l’air « dans le ton ».

Enfin, nous montons à Tanaron. On s’engage sur la piste, où la voiture patine dans les virages en épingle à cheveux. Je me réjouis in petto de n’avoir pas pris ma mienne, de voiture.

Nous laissons à notre droite une piste marquée Tanaron. Je n’ai que le temps de me demander où on m’emmène que nous sommes arrivés… à la Bergerie. Notre « home sweet home » pour les semaines à venir.

Nous retrouvons là Sylvie, Amar, Elinor et Boris. Tous me font la bise comme une évidence[3]. Elinor, la fille de Marie (mais pas la Marie de Franz, nous parlons ici de l’auteure du coup de fil, dont ces deux-là sont des amis), Elinor, donc, me fait faire le tour du propriétaire. Elle vient d’avoir son bac. Elle s’excuse de me désigner, dans son discours, comme un « vieux » (mais, non, tu penses, ça m’fait rien… :-C ). Il y a un point d’eau en contrebas, que l’on alimente par dérivation d’une canalisation[4] principale qui descend à la « Piscine », réserve pour les hélicoptères bombardiers d’eau. La jeune fille m’avertit des dangers du feu – surtout si je fume. Il est important aussi de rétablir la circulation normale de l’eau quand on finit de se servir de l’évier (deux bacs inox, avec évacutation directe sur tes pieds) ou de la douche (où on va bientôt, promis, mettre un rideau).

Derrière la Bergerie, les toilettes sont « à la turque », en vrai bois de palette… Attention à ne pas rater le trou ! Là aussi, on va bientôt mettre un rideau.

Notre demeure comporte trois pièces :

  • Le dortoir (la salle la plus petite) où l’on est isolé du sol par des palettes surmontées de cartons avec de la moquette par dessus; ce qui en fait une surface assez confortable (à mon goût personnel) pour dormir à même le sol ;
  • La salle du feu, grande et haute de plafond, où nous devrons monter un foyer pour faire des veillées terribles !
  • La cuisine-salle à manger, communiquant avec la salle précédente, où nous sommes équipés des derniers raffinements modernes : une cuisinière à gaz, des planches sur des tréteaux, une étagère pour les victuailles, des bancs, un cadavre de congélateur rempli d’eau croupie avec des seaux pour contrer tout départ de feu dans la pièce à côté, le tout sur un sol de poussière d’excréments animaux.

Héééé oui, parce que si on l’appelle la Bergerie c’est parce que jusque récemment elle hébergeait… des chevaux[5] ! Et que les copains qui m’ont fait la bise tout à l’heure viennent de passer une demi-semaine à dégager des tombereaux de crottin et de merde de mouton pour que, dès ce soir, on puisse tous dormir là.

Ce soir et demain matin, nous mangerons « au village », chez Michel. Ensuite il emmènera l’un d’entre nous faire les courses et nous serons autonomes à la Bergerie. Marie (la mère d’Elinor, donc) doit arriver entre neuf et onze heures ce soir, avec trois jeunes qu’elle a recrutés à Dieppe…

Et là ça me paraît le bon moment pour suspendre le récit ^^

À très vite les amis.

Notes

[1] Je précise que j’ouvre ici mon bloc papier de l’été dernier, sur lequel j’ai tenté de tenir un journal qui a tourné court, car trop long à écrire par rapport au temps que je pouvais y consacrer – mais n’anticipons pas

[2] paraît qu’il est maire de Tanaron : il a une gueule de maire comme moi de bonne sœur berlinoise

[3] ça doit être mon côté « showbiz » mais ça m’plaît bien

[4] bon, d’accord, un tuyau

[5] et encore avant des moutons

vendredi 4 novembre 2005

Et soudain... le téléphone sonne !

Donc j’étais en vacances (fainéant d’intermittent que je suis), début août à Toulouse, quand tout soudain mon portable retentit tel un coup de samba synthétique dans un ciel serein. Au bout du fil, une voix de femme :

– Oui Noé, on ne se connaît pas, mais j'ai besoin de toi…

Pour ceux de mes lecteurs qui ne me connaîtraient pas intimement et depuis ma plus tendre enfance (on peut rêver, hein…), il y a là un point qu’il nous faut éclaircir d’emblée ; ça doit être à cause de mon prénom (merci hein, les parents !), mais il suffit qu’on me fasse sentir que ma présence est nécessaire et je ne peux pas résister, je réponds :

– Présent ! (oui, vous aviez bien déduit, nous avons rejoint le cours de la conversation téléphonique)

J’apprends, donc, qu’il est question d'adapter au cinéma une œuvre autobiographique, racontant l’histoire d’une bande de jeunes qui, vers la fin des années 60 s’étaient embarqués dans le projet de reconstruire un village déserté (et là, d’un coup, on comprend pourquoi j’ai sous-titré le joueb « une histoire de fous... »), qu’on va faire venir des jeunes pour trois semaines dans le village qui existe toujours et qui est à peine moins déserté qu’il y a quarante ans pour préparer le film et nettoyer le village et que je suis attendu, donc, la semaine suivante.

Le nom du village, vous demandez-vous ? Tanaron, dans les Alpes de Haute-Provence, à 12 km de Digne-les-Bains (et là, d’un coup, on comprend ce que veut dire le titre du joueb). Ç’aurait tout aussi bien pu s’appeler : un des bleds les moins bien desservis de France, mais ça faisait un peu long.

Les furieux des 60’s, par exemple, ils accédaient à ce village par… un sentier muletier ! Et si aujourd’hui il y a une piste vaguement carrossable, quand j’y suis allé, LA SEULE flêche qui indiquait le village se trouvait… sur une bifurcation presque à la fin de la piste. C’est-à-dire à un endroit où seuls les gens qui savaient où trouver l’endroit pouvait la voir. Inutile aussi de chercher sur une carte du Bibendum de Clermont : la piste n’étant pas considérée comme une route, les cartes routières ne font pas mention de l’endroit. Seules les cartes de randonnée laissent apparaître ce qui semble semble n’être qu’un hameau de trois maisons, alors qu’à mon sens, c’est évidemment un peu plus subtil.

Mais on ne va pas tout raconter dans le premier post, hein, sinon qu’est-ce que je vais pouvoir dire après ?...

À bientôt, donc, pour le vrai début de nos aventures tanaronaises !

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