Je ne vous apprendrai sûrement pas, s’il vous est arrivé de faire une expérience communautaire quelconque, que rien n’est plus délicat (et même ingrat, ne nous voilons pas la face) que de répartir de manière équitable les servitudes ménagères.
De mon expérience personnelle, j’ai cru discerner, en gros, deux écoles :
- La « baba cool » qui parie sur la bonté intrinsèque de l’individu et son sens inné du devoir et de l’intérieur supérieur du groupe. Chacun va prendre sa part, car il sait que c’est l’intérêt de tous que chacun s’y mette de bonne volonté. Ça marche, donc, dans le cas où on on a affaire à des gens que l’expérience communautaire intéresse, fondamentalement. Dans un groupe constitué comme l’est le nôtre, la probabilité qu’un tel système fonctionne avoisine celui de croiser des petits hommes verts sur Mars, ou de m’entendre dire du bien du gouvernement actuel… Heureusement il nous reste la deuxième solution.
- La version « qu’esse tu crois, j’ai fait du scoutisme, moi », qui part du principe que la bonne volonté c’est cool, mais ça vient plus spontanément si on a un modèle de base. Donc un tableau des tâches à faire réparties entre les membres du groupe.
Ami lecteur, sauras-tu deviner vers quelle solution notre héros[1] s’est tourné ? Surtout en te rappelant les bonnes dispositions de certains de ses amis à l’égard des tâches ménagères ?
J’ai donc annoncé – le troisième soir, si je me rappelle bien – que j’allais rédiger un tableau qui répartirait équitablement le travail à faire. Je ne vous cacherai pas que j’ai été soulagé de constater que personne ne contestait le principe[2]. J’ai donc profité, deux jours plus tard, qu’une bonne partie du groupe était descendue en ville, pour me mettre à la mise en place du tableau, avec l’aide d’Elinor. J’ai établi six tâches quotidiennes : la vaisselle du matin (comprenant celle de la veille au soir), l’eau (nous avons désormais des jerricans avec des robinets, tout à fait pratiques), la cuisine du déjeûner, la vaisselle du midi, la cuisine du dîner et le bois pour les veillées.
Je ne sais pas si vous avez déjà essayé de répartir six tâches entre neuf personnes, réparties par équipe de deux, en variant les binômes et en s’arrangeant pour que tout le monde ait la même « charge de travail » sur la semaine…
Hé bien avant que vous ne vous y colliez, je vous dirai[3] qu’il m’a fallu une petite heure et demie pour arriver à la conclusion que ça n’était pas possible, quelles que soient les lignes et les colonnes que l’on choisisse dans le tableau (nom, jour, tâche, je pense avoir essayé un peu dans tous les sens).
C’est donc pourquoi, la mort dans l’âme, il nous a fallu abandonner la « corvée de bois »[4], de façon à avoir quatre équipes de deux et une équipe de un chaque jour…
Et voici comment, une fois ce tableau affiché dans la cuisine, se déroulait une journée type.
Debout là-dedans
L’atelier théâtre est prévu à dix heures. Je mets mon téléphone-réveil à huit, pour préparer tranquillement ma séance. À cette heure-là, seuls Amar et Sylvie sont généralement debout. À partir de neuf heures, je sors la guitare de son étui, et m’en vais jouer, tous les 1/4 d’heures, quelques notes en annonçant l’heure et la nécessité de se lever. Elinor est la seule à m’avoir remercié de ce réveil-aubade, que j’ai dispensé pendant une bonne partie du séjour. Si j’arrive à avoir tout le monde debout à dix heures, c’est déjà pas mal. Et debout ne signifie pas prêt à se mettre au boulot ! Chacun prend alors connaissance de sa tâche du jour, et les « eau » et « vaisselle matin » peuvent s’y mettre.
Atelier
J’ai réussi à maintenir des séances de deux heures – chaque fois que j’ai effectivement pu faire une séance. Vu le décalage horaire au démarrage de la séance, on termine rarement avant treize heures.
Mangeaille
Niveau gastronomique trrrrrrèèèès variable suivant qui est aux fourneaux.
Sieste
Dans le temps qui précède le chantier de l’après-midi, on a plusieurs options : une petite sieste, une descente en ville avec Amar[5], vaisselle si c’est ton tour, ou encore une petite tête dans la piscine[6]
Chantier de l’après-midi
Que nous retrouverons dès le prochain billet
Soirée
Les « hallal »[7], malgré la nuit tombante, affrontent généralement la douche… Quant à moi, j’avoue sans gloire avoir fait le crasseux plus souvent qu’à mon tour – je n’ai jamais non plus dégagé des remugles pénibles dans le dortoir, hein, y avait la piscine quand même (hum !)
Repas – voir midi… et parfois, après-dînée vidéo au village.
Dodo
Pas toujours la partie la plus facile, certains prolongent la soirée plus que d’autres, ne peuvent s’abstenir de parler fort quand les autres voudraient dormir… Il y a eu des soirs (heureusement rares) vraiment pénibles, dont un où j’ai perdu mon sang-froid, au bout d’au moins une demi-heure de beuglements qui m’avaient tiré d’un sommeil nécessaire, et où je suis mis à hurler que « TA GUEULE, JE DORS !!!! »
Tiens d’ailleurs, je vais y aller, là, je crois
Notes
[1] pitain, c’est pas bon pour ma modestie, le blogging
[2] ouééé, je ne suis pas totalement hors du coup, en matière de pédagogie
[3] et je n’apprendrai sans doute rien aux mathématiciens qui nous lisent
[4] qui finalement n’était peut-être arrivée là qu’en raison de ma nostalgie éclaireuse – et qui par surcroît, ne nous leurrons pas, sonne un peu sinistre, tout de même…
[5] quant à moi, je suis bien sur mon rocher, et je n’éprouve réellement aucun besoin de descendre
[6] ah, oui, il faut que je fasse un billet sur la piscine, aussi
[7] Aline comprise